"Natures", par Jean-Luc Chapin

Voici comment naît le paysage. Dans la pénombre inactinique du laboratoire, le photographe fait des gestes indéchiffrables sous la masse noire de l’agrandisseur. Il saupoudre de la lumière, force les ombres et les traits. L’image n’a pas été donnée, elle est prise. Il arrache à la matière inerte des formes qui se mettent à danser, qui éclatent de toutes leurs forces, qui rendent l’âme. Le vrai travail du photographe s’accomplit dans ces instants nocturnes et solitaires, dans ces incantations silencieuses autour des bacs, dans ces formules qui accompagnent chaque tirage, griffonnées dans les marges. Aller puiser les contrastes, travailler sur un détail en passant les mains sous la douche de lumière, répandre des secondes, passer le soleil au tamis, sur un détail du cadre faire jaillir l’ombre dans un angle, masquer, retenir. Chaque tirage est un moment unique. Toréer, trouver le geste idéal. Ce qu’il trouve doux, je le trouve triste, ce qu’il trouve dense je le vois opaque, ce que je sens léger il l’estime épais, ce qui me semble aérien pour lui se dissout faiblement, la subtilité de son regard répond à la naïveté du mien. Il faut des heures pour faire rendre l’âme à l’image, pour que l’infime éclat sur le feuillage apparaisse, pour que le reflet d’un remous luise soudain avec une tendresse inquiétante, pour que la branche devienne liquide dans le ciel liquide. Inlassablement, il répand les pincées de lumière, caresse le temps, passe les mains dans la colonne de lumière pour retenir un voile d’ombre. L’image vient, l’image est là.

j.-m. l.

D’après l’ouvrage natures, photographies de Jean-Luc Chapin, textes de Jean-Marie Laclavetine, préface de Muriel Barbery.

Tirages argentiques de l’artiste réalisés sur papier ilford warmtone 255g/m². Toutes les photographies sont en vente aux formats 30x40 cm, 50x60cm et 120x120 cm, vendues avec un certificat d'authenticité signé par l'artiste. Chaque format fait l'objet d'un tirage en trois exemplaires numérotés.